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Interview de Jean-François THIBOUS : la Transformation Numérique de la Commande Publique

Jean-François Thibous
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Jean-François Thibous
Interview de Jean-François THIBOUS
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Interview de Jean-François THIBOUS, directeur du projet « Transformation Numérique de la Commande Publique » au sein du Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

La Transformation Numérique de la Commande Publique (TNCP) est un processus lancé par l’Etat en 2018 pour accompagner la complète dématérialisation de la commande publique sur le périmètre des marchés publics et des concessions.

C’est un projet ambitieux qui vise à simplifier la commande publique pour les acheteurs et les entreprises. La TNCP favorise l’émergence de nouveaux services autour de données plus « ouvertes » et d’une plus grande transparence de la commande publique.

La TNCP concerne l’ensemble de la vie d’un marché dont les étapes sont : le sourcing, la publicité, la consultation, la réception des offres, la passation, l’exécution, le suivi administratif et financier, la réception et archivage.

La gouvernance de la TNCP est assurée collégialement par plusieurs directions et services des ministères économiques et financiers : la Direction des Affaires juridiques (DAJ), la Direction des Achats de l’État (DAE), l’Agence pour l’Informatique Financière de l’État (AIFE), la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), le Secrétariat général (SG) et la Direction interministérielle du Numérique (DINUM).

La première phase de la TNCP a été l’obligation à partir du 1er octobre 2018 de dématérialiser la procédure de passation des marchés publics et concessions supérieurs à 25.000 euros HT. Au cœur de la TNCP, se trouve le développement de l’interopérabilité des systèmes d’information (SI) existants et à venir concernés par la commande publique.

Quels sont les bénéfices de la TNCP pour les acheteurs publics et pour les entreprises ?

La TNCP, c’est d’abord, plus de simplicité permise grâce à la dématérialisation et à des solutions numériques innovantes. C’est aussi, le gage d’une plus grande ouverture et d’une plus grande transparence de la commande publique.

Concrètement, en intégrant les services TNCP développés par l’Etat, un acheteur pourra :

  • Accélérer la complète dématérialisation de sa commande publique, au-delà de la simple passation,
  • Accéder facilement à l’ensemble des consultations des acheteurs partenaires, à plus de données et donc bénéficier de nouveaux services d’aide à la décision ou d’amélioration de sa politique d’achat,
  • Donner aux entreprises de son territoire la possibilité d’accéder aux marchés des autres acheteurs directement depuis sa plateforme,
  • Communiquer sur sa programmation d’achats sur un site national où les entreprises peuvent se faire référencer,
  • Connecter à son profil d’acheteur de nouveaux services comme la gestion de contrats ou de certificats de cessibilité.

Grâce aux services TNCP, les entreprises répondant à des appels d’offres pourront quant à elles :

  • Visualiser les programmations d’achats des acheteurs partenaires depuis un site internet dédié,
  • Rechercher, consulter et répondre à tous les marchés des acheteurs partenaires depuis le profil d’acheteur de leur choix,
  • Avoir accès à de nouveaux services comme la gestion des contrats ou l’affacturage,
  • Proposer de nouveaux services sur la base d’un volume important de données ouvertes.
Où en est-on aujourd’hui, quelles actions engagées et pour quels résultats ?

Le premier temps fort de la TNCP a été l’obligation à partir du 1er octobre 2018 de dématérialiser la procédure de passation des marchés publics et concessions supérieurs à 25.000 euros hors taxe.

La majorité des actions TNCP ont été réalisées ou sont en passe de l’être. Les dernières devraient être terminées à l’automne 2023.

Plusieurs résultats sont visibles aujourd’hui :

  • La création d’un référentiel de standard d’échanges de données de la commande publique permettant une communication optimale entre systèmes d’information (SI),
  • La création d’un outil « universel » de vérification de toutes les signatures électroniques quel que soit leur format,
  • La publication, avec le Service interministériel des Archives de France (SIAF), d’un nouveau référentiel de conservation des archives entrant dans le processus de la commande publique. Celui-ci, intitulé « Cycle de vie des documents issus de la commande publique », porte des préconisations de sélection et de conservation des documents et des données de la commande publique,
  • Le lancement en juin 2021 d’un portail des « données ouvertes » des marchés publics, contenant à l’ouverture plus de 300 000 marchés,
  • Le lancement en juillet dernier du portail APProch, géré par la direction des achats de l’Etat qui permet à tout acheteur public, l’Etat étant déjà présent, d’exposer sa programmation en matière d’achats et aux entreprises de se référencer.

D’autres résultats sont attendus sur les prochains mois comme la dématérialisation du processus de demande de certificat de cessibilité, facilitant ainsi les échanges entre les acteurs concernés (acheteur, titulaire, cessionnaire et comptable assignataire) ou un nouveau service de publication des avis de publicité intégrant les nouveaux formulaires européens, « eForms ».

2023 devrait être l’année de l’interopérabilité des SI qui commencera par l’intégration des modules TNCP dans PLACE, la plateforme des achats de l’Etat, de façon à la rendre interopérable avec toutes les autres plateformes partenaires.

Quelles sont les évolutions de pratiques pour les acteurs de la commande publique ?

Depuis le 1er octobre 2018, la dématérialisation des marchés publics est vraiment passée dans les mœurs et intégrée dans les pratiques des acteurs.

Les acheteurs ont pris l’habitude de proposer leurs marchés en ligne, certains le faisant même pour des marchés en dessous des seuils obligatoires. Les acheteurs les plus avisés commencent à intégrer une politique d’achat par la donnée.

Les entreprises répondent globalement assez facilement aux marchés en ligne. La mue s’est passée relativement en douceur. Le numérique permet aux entreprises d’être beaucoup mieux informées des marchés publics et d’y répondre plus facilement sans se déplacer à la dernière minute. Il est oublié le temps où il fallait éplucher les supports papier d’information de marchés.

La dématérialisation de la commande publique est aussi favorisée par un contexte générationnel et par le développement des outils numériques dans toute la société.

Face à ces nouveaux usages numériques, comment avez-vous accompagné le changement ?

Sur le plan technique, sur le savoir-faire, nous travaillons avec un panel d’acheteurs et l’ensemble des éditeurs de solutions.

Concernant le faire-savoir, dès septembre 2018 a été créé un site internet dédié à la dématérialisation de la commande publique https://www.economie.gouv.fr/commande-publique-numerique. Celui-ci est un véritable centre de ressources, avec notamment des FAQ détaillées. Les actualités sont relayées sur un compte LinkedIn dédié à la TNCP.

Nos informations sont également diffusées par un grand nombre de relais, comme les administrations travaillant sur le TNCP, les associations d’élus, les organisations professionnelles, les chambres consulaires, mais aussi des structures dédiées à la dématérialisation comme des plateformes de dématérialisation ou des syndicats informatiques.

Nous avons lancé en 2020 des cycles d’événements pour toucher directement « l’écosystème » de la commande publique, notamment les acheteurs publics et les opérateurs économiques qui répondent à des marchés. Il peut s’agir de journées d’information, de webinaires ou d’ateliers de travail de type open labs. Il y en eu une dizaine en 2022, pouvant mobiliser jusqu’à 300 participants par événement.

Enfin, nos ressources sont à la disposition de toutes les organisations qui montent et proposent des formations. Elles sont ainsi reprises par des plateformes mutualisées qui proposent des formations et tutoriels en ligne. Nous travaillons actuellement avec le CNFPT sur un kit de formation à destination des agents territoriaux travaillant sur la commande publique.

Presque 5 ans après le lancement de la TNCP quels enseignements en tirez-vous ?

Les enjeux et les intérêts de la dématérialisation sont bien compris par les parties prenantes. Les choses avancent relativement vite. Les outils existent et s’améliorent régulièrement.

Côté acheteurs, les responsables travaillent sur cette dématérialisation. Les utilisateurs, cependant, ne vont peut-être pas au même rythme suivant leur appétence pour le numérique ou tout simplement leur culture numérique.

Du côté des entreprises, les possibilités liées au numérique pour identifier de nouveaux marchés ou pour simplifier leur organisation sont telles qu’elles prennent le pli naturellement sous peine de voir leurs perspectives de développement se restreindre.

Quels sont les prochains défis de la TNCP ?

Deux grands défis : le premier autour de la dématérialisation et le second autour de la donnée.

Le premier défi est la complète dématérialisation et l’interopérabilité des systèmes d’information, c’est-à-dire la possibilité pour les entreprises de répondre à tous les marchés depuis n’importe quelle plateforme.

Le second défi tourne autour des données ouvertes de la commande publique. L’accès à celles-ci en quantité importante doit permettre de développer un écosystème autour, et donc de nouveaux services pour les acheteurs.

Ces deux défis ne pourront être abordés qu’avec l’adhésion des acteurs de la commande publique. L’enjeu sera la vitesse à laquelle ils s’approprieront la dématérialisation et ses avantages. Accompagner l’ensemble des parties prenantes sera toujours nécessaire.