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L’audit interne et le piège des IA

Nicolas Gasnier Duparc
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L’audit interne et le piège des IA

Ce troisième opus de notre enquête annuelle sur l’impact de l’IA sur le métier et l’organisation de l’audit interne marque un nouveau virage dans la compréhension de ces technologies.

Notre enquête s‘est appuyée sur la participation de 165 auditeurs, en majorité senior (82 %), issus principalement d’ETI et de grandes entreprises (plus de 250 salariés), représentant tous les secteurs économiques aussi bien publics que privés.

Le fait marquant de cette enquête ? L’IA générative attire particulièrement l’attention des directions d’audit interne. Bien qu’elles ne l’aient pas encore adoptée définitivement, elles testent la technologie et ses capacités sur les différentes phases d’un audit interne, de la préparation à la phase de synthèse.

L’usage qui en est fait reste encore ponctuel. Rares sont les entreprises qui l’utilisent de manière plus systématique. Les directions d’audit interne, face à l’IA générative, se trouvent dans une phase d’observation, d’expérimentation, d’acculturation à cet outil, voire de domestication de ses usages.

À ce jour, ce qui est avant tout recherché, ce sont les gains de productivité qu’elle peut apporter dans la réalisation des travaux d’audit : automatisation des tâches de compte-rendu, analyse des documents volumineux, traduction de pièces d’audit ou de rapports, etc. Dans une utilisation courante, l’IA générative, permet avant tout un gain de temps à l’auditeur en le soulageant de tâches répétitives, fastidieuses, à faible valeur ajoutée et en réalisant plus rapidement ses travaux. Cependant, n’oublions pas que ces actions sont aussi celles qui ont permis de faire monter en compétence les auditeurs internes.

C’est autour de ce halo créé par l’IA générative, qui capte toute l’attention, que se dessine le piège auquel sont confrontées les directions d’audit interne. Il convient de rappeler, que l’IA générative n’est qu’un des principaux champs d’application de l’IA, l’autre étant composé des techniques de machine learning couplées à l’analyse de données.

Si elle permet principalement d’améliorer l’efficacité opérationnelle des missions d’audit, de gagner en productivité et en pertinence des travaux à partir d’un existant, le machine learning, quant à lui, devrait permettre de créer de nouveaux angles d’analyse, jusqu’alors inaccessibles. Il pourrait ainsi permettre de développer de nouvelles méthodes d’audit et apporter une valeur ajoutée supplémentaire, notamment dans le champ prédictif.

Or, l’IA générative devrait produire ses effets à assez court terme, là où le machine learning ne portera ses fruits qu’à plus long terme. Ce dernier nécessite des compétences spécifiques et des données en quantité suffisante, de qualité et approfondies, qui ne sont pas toujours accessibles ou existantes à ce jour.

Cette différence de temporalité constitue un enjeu managérial fort pour les directions d’audit interne. Elle les invite à envisager des moyens d’articulation afin de capitaliser sur les bénéfices de la première pour développer la seconde.

En effet, se contenter d’externaliser seulement les bénéfices de l’IA générative en termes de gains de productivité pourrait légitimement questionner le management sur l’opportunité de réduire les coûts et notamment les ressources allouées à un audit interne devenu plus performant.

Ce raisonnement reviendrait à paupériser l’audit interne, en l’empêchant d’investir ses gains de performance sur le machine learning et sur les nouvelles opportunités offertes par cette technologie. Une telle approche risquerait de compromettre le potentiel de transformation global offert par l’IA.

Il est donc crucial de dissiper le halo pour réfléchir à un plan stratégique à moyen terme. Celui-ci définirait le positionnement et les services, tirant tous les bénéfices de l’IA générative et du machine learning et démontrant, avec des moyens comparables, leur capacité à délivrer une assurance d’audit interne augmentée, à bien plus forte valeur ajoutée.

L’IA est un levier de transformation puissant pour les directions d’audit interne qu’il convient impérativement d’aborder de manière holistique.

Tout miser sur l’IA générative, dont les effets positifs sur les processus, l’organisation, la manière d’auditer sont réels, représente également un danger, car l’approche productiviste a aussi des effets pervers, et ce, dans une période où le coût des fonctions supports est questionné.

Faisons en sorte que l’IA augmente les capacités de l’audit interne plutôt qu’elle ne les réduise.