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La mutualisation des fonctions comptables en France

By:
Marie-Aude Badin,
Daniel Biernat
La mutualisation des fonctions comptables en France

Face à la pénurie de ressources comptables à l’échelle nationale, la mise en œuvre des projets de mutualisation des fonctions comptables en France devient de plus en plus complexe. Pourtant, le levier organisationnel demeure crucial parmi les divers moyens de transformation et d’optimisation de la fonction finance. Dans ce contexte, les organisations sont contraintes de réévaluer leur stratégie d’implémentation des centres de services partagés (CSP). Capitaliser sur l’existant et repenser la gouvernance s’imposent comme des axes incontournables pour définir un modèle opérationnel cible.

Les Centres de Services Partagés Comptables

Un centre de services partagés regroupe les fonctions comptables d'une entreprise, offrant des avantages tels que des économies d'échelle, la standardisation des processus et l'amélioration de la qualité des services. En Europe, 70 % des grandes entreprises ont adopté des CSP pour leurs fonctions financières, témoignant de l'efficacité de ce modèle.

La Pénurie de Ressources Comptables en France

La France fait face à une pénurie de comptables qualifiés, situation exacerbée par plusieurs facteurs. Selon le Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables (CNOEC), environ 10 000 comptables manquent actuellement sur le marché français. En outre, une enquête de Pôle Emploi révèle que près de 30 % des offres d'emploi pour les comptables restent non pourvues après plus de trois mois de recherches. Les principales raisons de cette pénurie sont le vieillissement de la population active, le déficit de formation et une concurrence accrue pour attirer les profils comptables.

Mettre en œuvre ou optimiser une organisation CSP dans un contexte de pénurie de ressources

Les entreprises peuvent exploiter les infrastructures et les talents déjà présents sur leurs sites actuels. Par exemple, une entreprise disposant de services comptables performants dans une ou plusieurs régions peut transformer ces sites en CSP pour l'ensemble de ses opérations. Dans le contexte évoqué de pénurie de ressources, il est difficile de réduire les effectifs d’un « site A » pour en recruter sur un « site B ». L’enjeu est donc d’évaluer et de rationaliser le choix entre un ou plusieurs sites, en tenant compte de divers critères tels que la taille de chaque site, leur performance, la diversité des compétences, la pyramide des âges, les types de contrats de travail, et la flexibilité des infrastructures. Les organisations auront tendance à identifier le scénario offrant le meilleur compromis entre les contraintes (impact social, effort de transition, coût de mise en œuvre, complexité du pilotage, etc.) et les avantages (économies réalisées, gains de productivité, harmonisation des processus, gouvernance simplifiée, etc.).

Repenser l’organisation des équipes et la gouvernance

Le dogme d’une centralisation totale sur un seul site est révolu. Il est désormais plus pertinent de regrouper les activités d’un même flux comptable sur un site spécifique. En suivant cette logique, il est possible de concevoir un modèle de mutualisation réparti sur plusieurs d’entre eux, chacun étant spécialisé dans un flux comptable particulier (comptabilité fournisseurs, clients, générale, etc.), tout en gardant à l’esprit que le pilotage de l’organisation devient plus complexe avec la multiplication des sites. Dans ce cas, une gouvernance rigoureuse est essentielle pour créer une proximité entre les différentes plateformes et renforcer le sentiment d’appartenance à une même équipe. Le rôle du directeur de CSP nécessite ainsi une large palette de compétences, combinant la production comptable et la gestion de la transformation continue de la fonction via des leviers organisationnels, procéduraux, de gouvernance ou encore technologiques. 

La technologie comme vecteur d’optimisation de l’organisation CSP

L’automatisation des processus par la robotique (RPA) et l’intelligence artificielle (IA), bien qu'à des stades de maturité différents, sont des technologies puissantes que les centres de services partagés peuvent exploiter pour optimiser leur organisation et leurs opérations.

La RPA permet de configurer des logiciels, appelés robots, pour automatiser des tâches comptables répétitives et basées sur des règles. Bien qu’elle soit une technologie bien connue avec de nombreux cas d’usage concrets, elle reste sous-exploitée par de nombreux groupes. Les robots peuvent travailler 24h/24, 7j/7, sans fatigue ni erreur, libérant ainsi les employés des tâches manuelles pour qu'ils puissent se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée.

De son côté, l’intelligence artificielle (IA) en est encore à ses débuts et manque de cas d’usage concrets pour les directions financières. Cette technologie sera principalement intégrée dans les outils actuels du marché (ERP, EPM, dématérialisation, etc.) afin de les rendre plus performants.

Parmi les premiers cas d’usage, on peut citer :

  • La détection de fraudes : les algorithmes d’IA peuvent être entraînés pour détecter des schémas inhabituels dans les données comptables, ce qui pourrait indiquer une fraude ou une non-conformité,
  • Le Knowledge Management et l’assistance documentaire : une solution d’IA peut grandement faciliter la recherche documentaire (procédures diverses, schémas comptables, etc.).

Conclusion

La mise en place de centres de services partagés comptables, en capitalisant sur des sites existants, apparaît comme une stratégie judicieuse et efficace. Cette approche permet de surmonter les défis liés à la pénurie de ressources comptables, de réduire les coûts et d'améliorer l’efficacité opérationnelle. À l’avenir, l’innovation et l'adaptation continue aux évolutions du marché seront essentielles pour maintenir et optimiser ces structures. Les entreprises doivent continuer à investir dans la formation, la rétention des talents et les technologies pour garantir le succès de leurs CSP comptables.