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La cotation des demandes de logement

Nicolas Gasnier Duparc
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La cotation des demandes de logement
Les bailleurs sociaux face aux risques du scoring des données personnelles

Les lois ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) et 3DS (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification), adoptées respectivement en 2018 et 2023, ont introduit plusieurs mesures visant à réformer le secteur du logement social en France. Certaines impactent directement la gestion des données personnelles des candidats à un logement, ainsi que celles des locataires en place. Parmi elles, la cotation des demandes de logement introduit un critère de risque identifié au sein des lignes directrices du CEPD (Comité Européen de la Protection des Données) : le scoring.

La cotation des demandes de logement est conçue comme un outil d'aide à la décision visant à attribuer une note à une candidature pour un logement social qui sera par la suite discutée en CALEOL (Commission d’Attribution des Logements et d'Évolution de l’Occupation des Logements) lors de l’examen du dossier de demande de logement. Cette note s’établit au regard de divers critères (tels que l'état d'occupation du logement actuel du candidat, sa situation familiale ou l'ancienneté de sa demande). Elle est définie collégialement à l’échelle d’un territoire, avec une correspondance en nombre de points. Parmi ces critères, des informations très sensibles peuvent être collectées, comme un jugement à la suite de violences conjugales ou des données relatives à une situation de handicap.

Cependant, malgré les mesures organisationnelles et les principes vertueux appliqués par les organismes de logement social, un risque demeure. Il conviendra de renforcer ce dispositif pour éviter toute dérive pouvant affecter les candidats.

Si le recours à cet outil demeure facultatif en commission, son utilisation exclusive au détriment d’une décision humaine et collégiale n’est pas exclue du champ des lois concernées.

Aussi, pour se prémunir de toute dérive et d’éventuels manquements à la réglementation, Grant Thornton, dans le cadre de ses missions d’accompagnement ou de DPO externalisé, préconise systématiquement aux bailleurs :

  • La mise à jour de l’analyse d’impact sur la protection des données du traitement de l’'instruction d'une demande de logement en intégrant le système de cotation dans l’analyse du traitement et en adaptant les curseurs de risques et de mesures de sécurité,
  • En vertu du principe de transparence du RGPD, de diffuser la grille de cotation de manière claire et accessible à toute personne souhaitant candidater à un logement,
  • De renforcer la sécurité du traitement et d’appliquer une purge documentaire, une fois les durées de conservation atteintes. En effet, si les bailleurs ne sont pas responsables du traitement en ce qui concerne le calcul de la note et la diffusion du résultat sur le SNE (Système National d’Enregistrement), ils demeurent garants de la sécurité de cette donnée une fois intégrée dans leur système d’information. De plus, cette note devra être conservée durant plusieurs années en archivage intermédiaire pour assurer transparence et traçabilité en cas de contrôle de l’ANCOLS, le régulateur du secteur du logement social ou de la CNIL. Enfin la note étant accompagnée de documents justificatifs pouvant contenir des données très sensibles, la rigueur dans la sécurisation du traitement est plus que jamais indispensable.

La cotation des demandes de logement, bien qu’innovante dans sa démarche d’objectivation et d’efficience, soulève donc des enjeux significatifs en matière de protection des données personnelles et d’équité. Les bailleurs sociaux doivent naviguer avec prudence entre les avantages d’un tel système et les risques qu’il représente, en veillant à respecter scrupuleusement les cadres légaux et éthiques en matière de protection et d’utilisation des données personnelles des candidats. Il est impératif de maintenir un équilibre entre l’automatisation des processus et la préservation d’une dimension humaine et personnalisée dans les décisions d’attribution des logements sociaux.