Epilogue dans l’arrêt Icade Promotion
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Le 12 mai 2022, le Conseil d’Etat a enfin rendu sa décision dans l’affaire Icade Promotion.

En l’espèce, la société Icade Promotion demandait la restitution de la TVA sur la marge qu’elle estimait avoir acquittée à tort au titre de ventes de terrains acquis sans TVA et revendus à des particuliers après division parcellaire et travaux d’aménagement.

Même si l’affaire concernait des faits antérieurs à la réforme de 2010, les réponses apportées permettent de préciser les conditions d’application du régime de la TVA sur marge prévue à l’article 268 du CGI (transposant l’article 392 de la directive 2006/112/CE).

Pour rappel, un assujetti cédant un terrain à bâtir ou un immeuble bâti depuis plus de cinq ans, peut opter pour le régime de la TVA sur marge si deux conditions sont réunies : (i) l’acquisition du bien immobilier par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction et (ii) le bien acquis est identique au bien cédé.

Ces deux conditions posant des difficultés d’interprétation, le Conseil d’Etat, à l’occasion du pourvoi dont il était saisi par la société Icade Promotion contre un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Versailles, a sollicité la Cour de Justice de l’Union Européenne en interprétation.

Par deux séries de questions préjudicielles, le Conseil d’Etat demandait en substance à la Cour de préciser :

  • La notion d’acquisition par le cédant n’ayant pas ouvert droit à déduction : vise-t-elle toutes les hypothèses dans lesquelles il n’y a pas de droit à déduction de TVA (y compris les opérations non soumises à la TVA) ?
  • La notion d’identité du bien : vise-t-elle la qualification juridique et/ou les caractéristiques physiques du bien ?

La Cour s’est alors prononcée dans un arrêt du 30 septembre 2021 (C-299/20) :

Sur la condition relative au droit à la déduction

La Cour a indiqué que le régime de la TVA sur marge s’applique uniquement (i) aux acquisitions soumises à TVA qui n’ont pu faire l’objet d’une déduction par l’assujetti-revendeur ou (ii) aux acquisitions sans TVA (hors champ ou exonérées) à condition que ces dernières incorporent un montant de TVA acquittée par le vendeur initial (TVA rémanente).

Sur la condition relative à l’identité du bien

La Cour précise que seule la condition d’identité juridique est nécessaire entre le bien acquis et le bien revendu. Ainsi, l’identité des caractéristiques physiques est sans incidence sur le régime de la TVA sur marge.

Le régime de taxation sur la marge ne s’applique pas sur les opérations de livraison de terrains à bâtir si ces terrains acquis non à bâtir deviennent des terrains à bâtir entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti. A l’inverse, le régime de la marge est applicable aux opérations de livraison de terrains à bâtir si ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente, de modifications de leurs caractéristiques telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux desservant lesdits terrains, notamment les réseaux de gaz ou d’électricité.

Ainsi, la division parcellaire de terrains ou la réalisation de raccordements aux différents réseaux, préalablement à leur revente, est sans incidence sur l'application du régime de la TVA sur marge.

Dans son Arrêt du 12 mai 2022, le Conseil d’Etat reprend les conclusions de la CJUE tout en tranchant l’affaire au fond.

Le Conseil d’Etat, relevant que les dispositions combinées des 6° et 7° de l'article 257 et de l'article 268 du CGI relatives au régime de la TVA sur marge sont incompatibles avec l'article 392 de la directive 2006/112/CE, constate une erreur de droit dans l’Arrêt de la Cour administrative d’appel qui avait jugé le contraire.

Toutefois, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la société Icade Promotion au motif que cette dernière ne peut pas invoquer en l’espèce cette incompatibilité afin de demander la restitution de la TVA sur marge qu'elle avait acquittée. Le régime de la marge étant dérogatoire au principe d’imposition sur le prix total, la société qui a payé la TVA sur sa seule marge ne peut demander la restitution de cette TVA.

Le Conseil d’Etat confirme également que l’identité de qualification juridique du bien vendu se différencie de celle des caractéristiques physiques du bien et que le fait que la société ait réalisé des travaux de viabilisation des terrains préalablement à leur revente est sans incidence sur l’application du régime de la TVA sur marge.

Le Conseil d’Etat confirme donc la décision rendue par la CJUE sans apporter de précisions supplémentaires.

Dès la décision de la Cour de justice, des précisions avaient été demandées au gouvernement sur l’opposabilité des commentaires administratifs en vigueur sur le sujet (BOI-TVA-IMM-10-20-10) afin de sécuriser les opérations en cours.

Par une réponse ministérielle en date du 1er février 2022, le gouvernement a indiqué que l’administration fiscale mettra à jour prochainement sa doctrine administrative mais que, entretemps, les commentaires actuels restent opposables à l’administration fiscale pour les opérations où l’acquisition du bien immobilier ou le compromis de vente pour l’acquisition desdits biens intervient avant la publication des nouveaux commentaires.

Le Conseil d’Etat confirme le 12 mai 2022 la décision rendue par la CJUE dans l’affaire Icade Promotion.

La mise à jour annoncée des commentaires administratifs (BOI-TVA-IMM-10-20-10) tirant les conséquences de l’affaire Icade Promotion devrait, nous l’espérons, apporter les précisions nécessaires à la bonne application du régime de la TVA sur marge.

Cession d’immeubles et TVA sur marge

Cession d’immeubles et TVA sur marge

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