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Pilier 2 : l’application des règles transitoires de sauvegarde

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Pilier 2 : l’application des règles transitoires de sauvegarde

Les règles GloBE

L’OCDE a publié en décembre 2021 le modèle de règles du Pilier 2, également appelé modèle de « règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition » ou « règles GloBE ». Ce modèle fournit le cadre et les modalités de fonctionnement de l’impôt mondial minimum.

Ces règles s’appliquent aux multinationales dont le chiffre d’affaires atteint au moins 750 millions d’euros au cours de deux des quatre derniers exercices.

Les règles GloBE sont des règles fiscales internationales dont l’objectif est de garantir que les entreprises multinationales (EMN), qui entrent dans ce champ d’application desdites règles, s’acquittent d’un impôt minimum de 15% sur le revenu généré dans chaque juridiction où elles exercent leurs activités.

Lorsque le taux effectif d’imposition (TEI GloBE) d’une EMN est inférieur à 15% dans une juridiction donnée, l’EMN devra payer un impôt complémentaire (“Top-up tax”) égal à la différence entre le TEI GloBE calculé et le taux minimum d’imposition. En règle générale, cet impôt complémentaire devrait être acquitté par l’entité mère ultime de l’EMN, celui-ci étant dû à l’autorité fiscale locale de l’entité mère ultime.

Pour déterminer si elles doivent payer un impôt complémentaire, les EMN doivent calculer le taux effectif d’imposition GloBE (TEI GloBE) pour chaque juridiction dans laquelle le groupe d’EMN exerce ses activités.

Pour ce faire, il est nécessaire de calculer le bénéfice ou la perte et les impôts correspondants sur ce bénéfice ou cette perte, selon les règles GloBE pour chaque entité du groupe. De nouveaux agrégats et points de données sont nécessaires.

Ces mesures s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.

Les 3 tests des « Safe Harbours »

Face à la complexité de la mise en œuvre du dispositif GloBE, l’OCDE a publié, le 20 décembre 2022, les « principes sur les régimes de protection et d’allègement des sanctions » (« Safe Harbours and Penalty Relief »).

Ces mesures simplifient le calcul du TEI (TEI simplifié) et permettent aux entités de pays non significatifs et / ou avec un taux d’imposition « fort » d’échapper à l’impôt complémentaire au titre de la période transitoire.

Les 3 tests des « Safe Harbours » transitoires dans les juridictions concernées s’appuient très largement sur les données du CbCR qualifié fiscal.

Si une juridiction remplit un des trois tests ci-dessous, l’impôt complémentaire au niveau de cette juridiction sera présumé nul pendant la période transitoire (en pratique pour les groupes clôturant le 31 décembre, les exercices clos en 2024, 2025 et 2026).

Un groupe EMN peut ne pas opter pour l’application des Safe Harbours dans une juridiction ou dans l’ensemble des juridictions. Cependant, cette option est définitive pour toute la durée de la période transitoire.

Les tests de sauvegarde (« Safe Habour Tests ») sont les suivants 

Test de minimis 
le chiffre d’affaires reporté dans le CbCR qualifié doit être inférieur à 10 M€ et le bénéfice avant impôt (états financiers) inférieur à 1 M€,

Test du taux d’imposition effectif simplifié :
le taux d’imposition effectif, calculé sur la base des impôts des états financiers consolidés qualifiés (impôt courant et impôt différé) et du bénéfice avant impôt figurant dans le CbCR, doit être supérieur au taux d’imposition transitoire de Pilier 2, soit 15% au titre des exercices 2023 et 2024, 16% pour l’exercice 2025 et 17% pour l’exercice 2026,

Test de substance 
le profit de routine, correspondant à la somme d’un pourcentage des actifs éligibles et d’un pourcentage des frais de personnel éligibles, de la juridiction doit être supérieur ou égal au montant de son bénéfice / perte avant impôt. Le montant des actifs éligibles correspond à la moyenne de la valeur nette comptable (VNC) des actifs corporels à l’ouverture et à la clôture de l’exercice tels que reportés dans les états financiers (2023 et 2024).

Le rôle du CbCR dans la mise en œuvre des mesures de sauvegarde temporaires est devenu crucial puisqu’il est la base déclarative nécessaire à l’application de ces Safe Harbours

Quels sont alors les points de vigilance à prendre en compte et les questions qui se posent pour mener à bien les mesures transitoires ?

Le périmètre

Le périmètre du CbCR est différent du périmètre consolidé du groupe. Il faudra donc s’assurer de la correcte prise en compte de l’ensemble des entités constitutives (sociétés non matérielles, sociétés transparentes fiscalement, sociétés mises en équivalence, sociétés destinées à être cédées, les joint-ventures, établissements stables) et anticiper l’impact d’éventuelles opérations de croissance externe sur les agrégats par juridiction. Dans le cas de sous-paliers de consolidation opaques comprenant plusieurs juridictions, une information détaillée sera nécessaire pour pouvoir allouer les informations financières à la juridiction.

Les données

Elles sont issues du CbCR fiscal « qualifié » et généralement des contributifs consolidés regroupés par juridiction. Ces données sont-elles conformes aux règles et définitions GloBE ?

Prenons l’exemple des impôts : le traitement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou des crédits d’impôt vont soulever de nombreuses interrogations. Comment prendre en compte le retraitement des positions fiscales incertaines (IFRIC 23) et leur impact sur l’exercice (provision utilisée versus non utilisée) ?

Concernant les charges de personnel nécessaires au calcul du profit de routine : les écritures de consolidation par juridiction ont-elles été correctement allouées à la juridiction (impact IFRS 2 par exemple) et non enregistrées en « top conso » ? Faut-il considérer les stocks dans les actifs corporels ?

Les résultats de la simulation 

Il sera nécessaire de comprendre les raisons pour lesquelles les taux effectifs simplifiés (TEI simplifiés) sont inférieurs à 15% dans des juridictions dont les taux d’imposition sont supérieurs à 15%. Par exemple, une non-activation historique de pertes fiscales pour des sociétés qui pourraient être bénéficiaires à court terme aurait mécaniquement un impact sur le TEI de la juridiction.

Quelle approche adopter dans les comptes consolidés à fin décembre 2024 dans ce type de configuration ?

Effectuer des tests de sensibilité, notamment pour les juridictions exemptées grâce à l’application d’un unique test de sauvegarde sera nécessaire. En effet, selon le principe « once out, always out », la période transitoire prend fin dès lors que la juridiction ne valide plus au moins l’un des trois tests.

Le calendrier

Compte tenu des travaux à mener, il est primordial de récolter les informations nécessaires à la constitution du CbCR qualifié dans un calendrier plus court que celui que permet la réglementation, et donc d’avoir recours à des données estimées.

Pour rappel, l’entité mère ultime du groupe doit déposer le CbCR au titre d’un exercice fiscal dans les douze mois suivant la fin de l’exercice concerné auprès de l’administration fiscale de la juridiction dont elle est fiscalement résidente.

En conclusion, pour se conformer à ces nouvelles règles fiscales, les groupes devront revoir leur approche de la donnée fiscale.

Il ne s’agit plus d’agréger des impacts fiscaux locaux mais d’avoir une stratégie fiscale au niveau du groupe et de chaque juridiction.

La tête du groupe portera la responsabilité in fine de la correcte application des règles GloBE et de l’acquittement d’un impôt complémentaire. Que le groupe ait à payer ou non un impôt complémentaire Pilier 2, une déclaration devra être faite auprès des autorités fiscale pour détailler par juridiction les tests au titre desquels la juridiction a été exemptée du calcul GloBE.

Les tests s’appuyant sur des données financières issues notamment des outils de consolidation, les projets devront être menés collégialement par les directions fiscales, comptables et consolidation.

Cette première étape de calcul des « Safe Harbours » est également l’opportunité d’initier les équipes à la réglementation Pilier 2, et de préparer les étapes suivantes : TEI GloBE, déduction liée à la substance, résultat GloBE, impôt complémentaire etc. recours ou non à un outil dédié. La consolidation fiscale sous un référentiel international (GloBE) voit le jour !

Les associés Business Consulting Services au sein du Conseil Opérationnel et Outsourcing de Grant Thornton et les avocats fiscalistes de Grant Thornton Société d’Avocats peuvent répondre aux nombreuses questions que soulèvent ces textes.